• La valse des continents: Aux Origines de l'Afrique
Réalisateur(s): Alexis De Favitski
Auteur(s):
Année: 2014
Durée: 43 minutes

.. LA VALSE DES CONTINENTS " AFRIQUE "




Leur valse perpétuelle à la surface du globe. L'Afrique n'est qu'une étape dans l'histoire de notre planète. Une balafre immense se dessine à l'est du continent : le Grand Rift.
Du Mozambique à la Turquie, il déchire peu à peu l'Afrique en 2.
Dans le futur, un nouveau sous-continent va naître: l'Arabie. En parallèle, l'Afrique dans son ensemble remonte vers le nord.
Sa collision avec l'Europe et l'Asie est donc pour demain, à l'échelle des temps géologiques.
- Depuis sa formation, notre planète ne cesse de se transformer.
Des collisions inouïes ont créé les continents. Des forces colossales ont soulevé les planchers océaniques, qui sont devenus des montagnes grandioses.
Ces mouvements à la surface de la Terre se manifestent encore à coups d'éruptions, de séismes ou de tsunamis.
La tectonique sculpte nos paysages, modifie le climat, déplace les océans et peut même influencer le monde vivant.
Depuis 100 millions d'années, l'Afrique a sa forme d'aujourd'hui. Mais son histoire n'est pas terminée.
Peu à peu, le continent remonte vers l'Europe, et la collision a déjà commencé.
A l'est, le Grand Rift fait trembler la terre et s'apprête à déchirer l'Afrique en deux. Au bord de l'océan et dans le désert, les scientifiques cherchent à connaître l'avenir.

Chaque relief, fossile, chaque tremblement de terre est une nouvelle énigme à résoudre. En dévoilant les secrets de la roche, ils révèlent les forces qui animent l'Afrique, dans une incessante valse des continents.

Il y a 300 millions d'années, un supercontinent rassemble toutes les terres émergées. Mais la Pangée, c'est son nom, finit par se déchirer en 2.
L'Eurasie se sépare de la future Afrique et des autres continents du Sud. Au milieu s'ouvre un océan, la Téthys. L'histoire de cette ouverture marine a laissé des traces dans une région très aride, la péninsule arabique.
Ici, le sous-sol regorge d'une ressource précieuse: le pétrole. Cet or noir a fait la richesse des pays du Golfe, en particulier celle d'Oman.
Au canyon de Wadi Nakhr, dans le nord du pays, les indices sur sa formation sont bien visibles.
Louaï Machhour est prospecteur de pétrole et géologue de formation. Pour ce spécialiste, si Oman a tant de pétrole, ... à la présence ancestrale de l'océan Téthys.
- Nous sommes au coeur de la chaîne de montagnes omanaise... s'est ouverte dans cette région arabique... ce territoire était sous l'eau, d'où ces sédimentations importantes.
Oman est plus au sud, loin de la future Europe. A la place du désert et des montagnes, les eaux recouvrent en partie la région. Au fil des siècles, les sédiments se déposent sur le fond marin.
La Téthys est chaude et peu profonde, ce qui est propice à l'action de bactéries qui transforment la matière en kérogène.
Mais il y a 20 millions d'années, les continents se rapprochent. La Téthys se referme.
Le kérogène est entraîne dans les profondeurs. Sous pression, il devient hydrocarbure, puis s'infiltre dans les fissures de la roche. Louaï, en bon prospecteur, parcourt la région.
Il observe les roches en détail à la recherche d'indices suggérant la présence
- Un réservoir, est comme une éponge avec ses petits trous qui sont tous remplis d'hydrocarbure ou de gaz.
Et là, on voit que cette surface est parcourue par des fissures tout le long, provoquées sûrement par la tectonique.
Si ces fissures restent ouvertes, elles améliorent la perméabilité horizontale de la roche.
- Cette zone semble riche en hydrocarbure. En observant de plus près, d'autres indices confirment l'ex-présence de la mer.
- Voilà un fossile. Donc, coraux, solitaire... Et donc on voit très bien la structure cellulaire, qui est bien préservée. Donc on a effectivement une sédimentation en mer. En mer peu profonde et assez chaude.
- En observant la roche autour des fissures, Louaï affine son analyse. Prochaine étape : réaliser un premier forage pour savoir si du pétrole se cache en profondeur.
Aujourd'hui, l'Iran et l'Irak sont parmi les plus gros exportateurs de pétrole. Symbole de la richesse des émirs, cet or noir est le témoin le plus précieux de l'histoire géologique.
Mais la fermeture de la Téthys il y a 20 millions d'années a laissé d'autres traces, bien plus étonnantes.
En Egypte, les majestueuses pyramides de Gizeh sont un héritage millénaire des civilisations antiques.
Mais non loin, dans le désert du Fayoum, le site de Wadi El-Hitan renferme d'autres trésors âgés de dizaines de millions d'années.
Ici, les routes ont cédé la place à des pistes tracées dans le sable. Tout autour surgissent des rochers aux formes improbables, sculptés par l'érosion.
Francis Duranthon est paléontologue et conservateur du Muséum de Toulouse. Depuis des années, il parcourt le monde à la recherche de fossiles, pour mieux comprendre l'évolution des espèces.
Or, à Wadi El-Hitan, le sable renferme des ossements pour le moins singuliers.
- Bonjour.
- Vous fouillez ?
- C'est un squelette de baleine.
- Une baleine ! Je peux vous aider?
- Il y a beaucoup de baleines dans le secteur ?
- Oui, on en a trouvé
- Oui, un millier.

- Surnommé "la vallée des baleines", ce site est un vrai musée à ciel ouvert.
Les premiers ossements ont été découverts il y a 1 siècle par un archéologue britannique. Depuis, plus de mille squelettes ont été mis au jour.
Le vent continue de soulever le sable et dévoile de nouveaux trésors.
- C'est étonnant de retrouver des squelettes de baleines en plein désert.
C'était autrefois la mer de Téthys, entre 37 et 40 millions d'années, peu profonde, probablement dans une zone de lagon où ces petites baleines "dorudons" venaient se reproduire.
En mourant, elles tombaient au fond de la mer et elles se sont fossilisées.
Naturellement, les sédiments se sont accumulés dessus, et puis, avec la remontée de l'Afrique, progressivement, les sédiments ont été érodés et ont mis à jour, naturellement, ces restes de baleines qui sont en plus dégagés par le vent du désert.
- Pour le paléontologue, le désert égyptien est un livre ouvert sur l'histoire de la région.
Au milieu du sable, côtoient des dents de requins et des ossements de crocodiles ou de tortues marines.
Tous ces vestiges témoignent de la richesse de la faune hébergée par la Téthys, il y a 30 millions d'années.
- Cette mer de Téthys était un grand bras de mer qui reliait l'Atlantique à l'océan indien et Pacifique.

L'Afrique était isolée de l'Eurasie, et à cause de la tectonique, la plaque arabique va s'ouvrir, va pivoter et va fermer ce bras de mer pour former la Méditerranée, pâle reflet de la Téthys.
- L'existence de cet océan disparu est la preuve de la lente remontée du continent africain et de sa collision avec l'Europe. Aujourd'hui, seule la Méditerranée sépare les deux géants. Mais la valse n'est pas terminée.
inexorablement, l'Afrique se déplace vers le nord au rythme de 2 cm par an. La collision est en marche.
C'est à Gibraltar qu'on la perçoit le mieux. A Al Hoceima, au Maroc, la terre est secouée régulièrement sous l'effet des forces tectoniques.
Le 24 février 2004, un séisme de magnitude 6,3 de Richter ravage la ville et fait plus de 600 victimes.
Ce phénomène se reproduit ici à intervalles réguliers. P. Vernant et J.-F. Ritz, géologues à Montpellier, sont en mission à Al Hoceima.
Armés de cordes et d'instruments de mesure, ils veulent modéliser les mouvements des plaques dans la région. Ici, la collision entre l'Afrique et l'Europe fait plisser la roche et apparaître des failles.
- OK, Phil, avale!
- Cette paroi est remontée de 50 mètres en quelques décennies. Pour reconstituer l'histoire des séismes, les chercheurs utilisent la datation par rayonnement cosmique.
- C'est bon, c'est tendu.
- La terre est frappée sans cesse par des particules venues de l'espace. En touchant le sol, elles sont absorbées par les roches superficielles, dont la composition change.
A chaque séisme, de nouvelles roches sont mises à nu. En analysant les parois, on peut savoir combien de temps chaque strate a été exposée aux rayons cosmiques, et ainsi dater les séismes.
La hauteur de chaque soulèvement donne aussi des indications précises sur leur magnitude. Les géologues prélèvent de la roche sur toute la hauteur de la paroi.
tout le long de ce plan, on devrait voir que là-haut, c'est plus vieux. Donc on voit un séisme. En dessous, on va voir un autre temps, donc un séisme plus jeune, et ainsi de suite.
On voit l'histoire des différents séismes qui ont engendré ce plan de faille, et donc on a un retour sur l'aléa sismique de la région, sur la fréquence des séismes...

En plus, en fonction du déplacement, on a une idée de la magnitude. Caractériser tous les séismes qui ont secoué la région permettra aux chercheurs de mieux comprendre les mouvements du continent africain.
Donc il faut prendre 6, 6,5...
- A terme, on pourra aussi mieux prédire les séismes dans la région. Car ici, la terre va continuer de trembler. La remontée de l'Afrique vers l'Europe est un mouvement de fond que rien n'arrêtera.
Peu à peu, le détroit de Gibraltar va se refermer, et dans environ 50 millions d'années, la Méditerranée aura presque disparu. L'Afrique et l'Europe se font face à Gibraltar, et une autre plaque rejoint la danse à l'est de la Méditerranée.
Il s'agit de l'Arabie. Elle se détache doucement de la région du Sinaï et remonte vers le nord, se déplaçant plus vite que l'est africain.
Résultat, les deux plaques coulissent l'une contre l'autre.
Au milieu, une faille gigantesque est apparue. "La faille du Levant" déchire le Proche-Orient de la mer Rouge à la Turquie.
Entre la Jordanie, Israël et la Palestine, ce glissement des plaques a entraîné un affaissement, avec au milieu la mer Morte. Dressée sur un éperon rocheux, la forteresse de Massada, en Israël, offre un point de vue unique sur la région.
C'est là que se rend Yann Klinger. Géologue à l'Institut de Physique du Globe, il arpente la région depuis des années.
Son objectif: mieux connaître les mouvements de la faille du Levant dans les derniers millénaires. Au sommet de la falaise à pic, la forteresse domine ce paysage lunaire dessiné par la mer Morte et le désert de Judée.
- On est sur le plateau de Massada, on domine la mer Morte, donc 400 m sous nos pieds. Ce plateau appartient à la plaque Sinaï. On domine cette dépression de la mer Morte, associée à la faille du Levant.
Cette faille de 1 200 km de long permet à la plaque arabique par rapport à la plaque Sinaï, ici à l'ouest.
- Le coulissement des plaques tectoniques provoque de puissants séismes.
Mais leur magnitude, et surtout leur fréquence, sont encore mal connues. Pour mieux prédire les séismes à venir, Yann tente de reconstituer l'ensemble des évènements passés.

Il sillonne ainsi le bassin de la mer Morte avec Shmulik Marco, géologue à Tel Aviv. Ici, les roches ont gardé en mémoire l'alternance des saisons sèches et humides, et chaque tremblement de terre.
En étudiant ces strates, on peut remonter le temps et retracer l'histoire tectonique
- Nous voyons deux couches différentes. Une foncée et une claire. Les claires étaient des sédiments déposés en été et les foncées, en hiver.
Des crues ont déposé une fine matière dans le lac. Chaque paire de couches représente une année.
- Donc on peut compter ?
- Oui.
- Et là, on a une grande déformation. C'est quoi ?
- Oui, en effet, les couches sont plissées. On peut les suivre. Ça monte, ça descend... Dans une région aussi calme, la seule chose qui puisse provoquer cela, c'est un séisme.
- Donc toutes ces couches se sont plissées alors qu'elles étaient horizontales ?
- C'est la signature d'un séisme. Plusieurs observations donnent la chronologie des séismes sur la faille du Levant. On n'avait pas de sismographe, alors.
Mais on a environ 50 000 ans d'enregistrements qui témoignent de 30 séismes majeurs en ce temps.
- Vous faites un catalogue.
- Oui, un archivage de séismes.
- La nature conserve la trace des séismes. Parfois, c'est le passé historique qui raconte ces évènements. Travailler dans une région riche de 2 000 ans d'histoire est une aubaine.
Dans le nord d'Israël, les ruines du château templier de Vadum Jacob racontent aussi les mouvements de la faille du Levant.
En 1178, les armées chrétiennes construisent cette forteresse pour empêcher la reconquête de Jérusalem. Finalement, les chrétiens perdent la guerre est en partie rasé.
Mais le site était voué à la destruction. Les croisés l'ont bâti à l'aplomb de la faille, à l'endroit où coule le Jourdain.
- Ici, on voit ce mur qui est décalé. Ce morceau du mur est venu vers moi et celui-là est parti vers le nord. Ici, c'est la limite entre les deux plaques.
On peut reconstruire l'histoire des séismes à partir des vestiges, de l'enregistrement géologique des environs.
Loin de la faille, c'est un mouvement continu, imperceptible pour l'homme, de 5 mm par an, mais au niveau de la faille, ça ne bouge pas.

Les forces s'accumulent, dépassent la résistance de la croûte terrestre, et c'est le séisme. Il y en a régulièrement. Ils accommodent l'accumulation de ces forces qui résistent au déplacement de 5 mm par an.
- Grâce aux écrits historiques et à des fouilles, on a pu dater le premier séisme qui a secoué le château. Il a eu lieu le 20 mai 1202 et a déplacé les murs de 1,60 m en quelques secondes.
- Cette faille s'insère dans la géodynamique régionale, et quand la plaque arabe bouge, elle fait sa place en fabriquant des montagnes et en poussant la plaque turque vers l'ouest.
- Aujourd'hui, l'Arabie continue inexorablement de monter vers le nord, millimètre après millimètre. A l'avenir, nul doute que d'autres séismes secoueront la région et creuseront encore plus la faille du Levant.
Un peu plus au sud, la séparation de l'Afrique et de l'Arabie se matérialise différemment. Depuis 20 millions d'années, elles s'écartent peu à peu.
En moyenne 15 mm par an. Et au milieu, un océan est en train de naître. Pour l'heure, c'est un petit bras de mer faisant au maximum 300 km de large.
Son nom : la mer Rouge, qui se prolonge par le golfe d'Aden.
Au large du sultanat d'Oman, l'île d'Al Hallaniyah est un terrain idéal pour comprendre l'impact de cette ouverture marine.
Ici, la terre tremble souvent, au rythme de l'écartement des plaques. F. Korostelev et J. Corbeau travaillent à l'université de Jussieu, à Paris.
Elles étudient les mouvements qui animent les côtes le long du golfe d'Aden sous l'effet des forces tectoniques.
Elles vont à Al Hallaniyah pour récupérer un sismographe installé il y a plusieurs mois. L'île est un site exceptionnel pour les analyses sismiques : peu d'habitants, aucun bâtiment imposant, une seule route.
Ici, aucune vibration d'origine humaine ne vient polluer les données enregistrées.
- En Oman, on a mis une vingtaine de stations dans le sud, région du Dhofar. Là, c'est la dernière station qu'on récupère. Après, on va la renvoyer en France pour traiter les données.
On récupère l'enregistrement des mouvements du sol, dûs aux séismes notamment, pour étudier la structure interne de la terre sous cette région.

- Le réseau de sismographes enregistre en continu les séismes même infimes. Chaque secousse reflète un évènement à quelques km au large, dans les profondeurs du golfe.
Là où l'Afrique et l'Arabie s'éloignent, une vaste dépression s'est créée, et la mer s'est immiscée. Au fil des siècles, la croûte terrestre continue de s'étirer.
Du magma jaillit des profondeurs du manteau et comble le vide créé par l'écartement. Ainsi se forme une dorsale océanique.
- Les stations sismologiques ont été installées sur la côte de l'Oman pour imager la marge continentale de l'Oman et, par la suite, l'ouverture du golfe d'Aden.
La marge continentale est la transition entre la croûte continentale et la croûte océanique.
Et la marge du golfe d'Aden est intéressante puisqu'elle est en formation. C'est le stade d'ouverture pour passer On voit l'ouverture océanique et la plaque Afrique.
- Les chercheuses ont récupéré une masse colossale de données, dont le traitement sera long. Mais un jour, cette étude permettra de modéliser l'ouverture de ce nouvel océan.
Aujourd'hui, la plaque arabe est presque entièrement indépendante de l'Afrique. Un peu plus au sud, un seul pont de terre rattache les 2 continents. C'est le triangle de l'Afar.
Dans quelques millions d'années, ce bout d'Afrique à cheval entre Ethiopie et Erythrée va se détacher et s'éloigner avec la plaque arabe. Ici, les roches sont écartelées de toutes parts.
Les tiraillements engendrent un effondrement et de puissantes éruptions. au-dessous du niveau de la mer. Fait exceptionnel sur Terre, nous assistons, à l'air libre, aux prémices de la formation d'une dorsale océanique.
A l'extrémité est de l'Ethiopie, le volcan Erta Ale est l'un des emblèmes mythiques de la région. Tout autour, un paysage tourmenté, et coulées de lave s'étendent à perte de vue.
Ce désert très aride est le territoire des Afar, peuple d'éleveurs semi-nomades à la réputation de solides guerriers. Le volcan Erta Ale, lui, culmine à 613 m d'altitude.
C'est l'un des seuls à posséder à son sommet un lac de lave permanent.

- Avant sa mort, le volcanologue J.-L. Cheminée s'était passionné pour cette montagne, qu'il arpentait avec son équipe.
Prélèvements de lave, mesures de gaz, analyse des roches: les spécialistes ont étudié le volcan dans ses moindres détails.
Peu à peu, ils ont progressé dans la compréhension des mécanismes de formation d'un océan. Mais l'Erta Ale va continuer de fasciner les chercheurs.
Son spectacle grandiose en fait un lieu unique au monde, symbole du lien entre géologues et volcans.
A Djibouti, le Ghoubbet-el-Kharab marque la pointe sud-est du triangle de l'Afar. Cette anse entourée de falaises abruptes est reliée à la mer par une passe au courant violent.
A son extrémité, le volcan Ardoukôba est sorti de terre en 1978. Lors de son éruption, il a émis plus de 12 millions de m3 de lave, transformant le paysage en décor lunaire. De l'autre côté se trouve le lac Assal.
Autrefois rempli d'eau douce, il est de plus en plus sale. La mer s'engouffre peu à peu.
Bernard Le Gall, de l'université de Brest, vit au rythme de cet écartèlement des plaques tectoniques. Il cherche à comprendre comment la croûte terrestre se transforme en plancher océanique.
- On est sur un site géologique exceptionnel, face au lac Assal, situé à moins 150 m sous le niveau de la mer du Ghoubbet.
On voit bien sa morphologie : les reliefs bordiers au fond sont constitués par les laves les plus anciennes. Mais les laves qui tapissent le plancher sont beaucoup plus jeunes.
Ici, on est sur la surface d'un de ces champs de lave, Si on considère la géochimie de l'ensemble des laves d'ici, on constate de fortes affinités avec celles des basaltes océaniques qui forment le plancher des océans.
- En étudiant la chimie de ces roches récentes, les chercheurs ont démontré qu'ici, une croûte océanique remplace le désert.
Un spectacle géologique exceptionnel, qui se déroule habituellement très loin, au fond des océans.
- Des études géophysiques ont démontré que sous l'axe du fossé d'Assal, la croûte était très fine, 4 à 5 kilomètres.
Donc, en profondeur, elle doit être injectée par du matériel d'origine profonde et il doit déjà y avoir rupture.

On assiste à une accrétion magmatique avec création
- "Accrétion magmatique" désigne la remontée de magma depuis le manteau terrestre et la formation d'une dorsale océanique.
- Si on reporte le taux actuel d'écartement, 2 cm par an, dans le futur, il est probable que cette zone, dans 1 million d'années, de large, et 200 km
A mesure que cette zone va s'accrêter, elle va s'approfondir.
Et elle sera progressivement envahie par la mer. Si on associe les dorsales océaniques à des déchirures continentales, on serait ici à la tête de la fermeture Eclair qui s'ouvre.
- Difficile d'imaginer qu'ici, on sera sous l'eau, à des centaines de mètres de profondeur.
Les forces qui animent la région ne s'arrêtent pas là. Au sud du triangle de l'Afar, un autre phénomène est en cours.
Une balafre immense déchire tout l'est africain. C'est le Grand Rift, s'étendant sur 6 000 km de l'Ethiopie jusqu'au Mozambique. Sous la surface, les plaques s'écartent l'une de l'autre d'environ 1 cm par an.
Dans une centaine de millions d'années, un océan séparera l'Afrique en deux. Mais pour l'heure, le rift est compose d'une immense vallée de plusieurs km de large.
Au Mozambique, le parc national de Gorongosa se trouve à la pointe sud du Grand Rift.
M. Pickford est paléontologue au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.
Pour cet historien de la Terre, cette vallée revêt un intérêt tout particulier.
C'est magnifique, hein ? Le rift ici, le lac Urema au fond
- L'apparition du rift a entraîné l'affaissement de la vallée. La mer s'est engouffrée dans la faille plusieurs fois, déposant d'innombrables couches de sédiments.
A l'intérieur, des ossements ont fossilisé idéalement des ravages du temps. Aujourd'hui, l'érosion a fait son oeuvre. Les fossiles affleurent en abondance à la surface.
- On dirait un fragment de bassin. Mais il est recouvert de sédiments. Il est en mauvais état. il n'est pas facile à identifier, mais ça confirme que des ossements ont été fossilisés ici.
- M. Pickford s'intéresse particulièrement aux origines de l'homme. c'est dans cette vallée qu'il a fait une grande découverte.

Les restes d'un hominidé vieux de 6 millions d'années. Pour le chercheur, le rift pourrait avoir contribué à l'apparition de nos ancêtres.
Les forces tectoniques auraient conduit à une transformation des paysages : une forêt humide a recouvert l'Afrique de l'ouest, et la partie Est s'est couverte de savane.
Les premiers hommes se seraient installés dans ce nouvel environnement plus hospitalier. Ils auraient ainsi évolué différemment des grands singes, adaptés à la forêt.
- L'est du rift représente la faune de la savane telle qu'on la connaît. C'est le résultat de deux migrations, l'une venant du sud et l'autre, du nord. Différentes espèces d'animaux et de plantes.
D'où l'importance du rift. La tectonique modifie le climat et la végétation. les animaux migrent dès que les conditions changent. L'homme n'a pas commencé son évolution ici. Il est arrivé plus tard.
Presque partout, les ossements sont accompagnés d'outils. Ils sont venus et devenus le genre Homo.
- Cette théorie sur le rôle du rift dans l'apparition de l'homme fait l'objet de débats.
Mais pour M. Pickford, la Terre aurait un visage bien différent sans cette faille en Afrique.
- C'est étrange de penser que sans la tectonique et ses effets, les changements climatiques et autres, l'homme n'existerait pas.
Je ne serais pas là. D'une certaine manière, ce serait la planète des singes.

C'est étrange... mais c'est sans doute vrai.
- En Afrique, comme partout ailleurs, l'évolution de la vie est liée à l'histoire de la Terre.
Aujourd'hui, l'homme a conquis toute la planète et étendu son emprise sur les milieux naturels. Mais sera-t-il encore là demain pour observer la transformation du continent africain ?
Dans quelques millions d'années, l'Afrique et l'Europe ne feront qu'un. Quant à la mer Rouge et au golfe d'Aden, ils seront devenus des océans. Pour la première fois, le coeur de l'Afrique va se déchirer en deux.
Sa partie Est va s'élancer à travers l'océan Indien, dérivant au gré du mouvement des plaques et des collisions.
Les puissantes forces tectoniques n'ont pas fini de redessiner les contours du continent africain.